La prise en charge du mélanome

« Le mélanome est un cancer de la peau ou des muqueuses, développé aux dépens des mélanocytes. »

mélanome
Entretien avec le Dr Iris Amblard

Entretien avec le Dr Iris Amblard

Le Dr Amblard est un chirurgien spécialisé en chirurgie générale et digestive. Elle a acquis une expertise dans la prise en charge du mélanome lors de son clinicat au Centre Hospitalier de Lyon Sud, ainsi qu’au cours d’une expérience à l’hôpital Rosemont Maisonneuve au Canada. Depuis juillet 2022, elle exerce au Centre Lyonnais de Chirurgie Digestive de la clinique de la Sauvegarde, où elle se concentre sur la chirurgie du mélanome. Elle est également compétente en chirurgie endocrinienne, pariétale et générale.

Le mélanome

En 2018, on dénombrait 15000 nouveaux cas par an de cancers cutanés. Il existe différents types de cancers cutanés :
– Mélanome (10%).
– Baso-cellulaire (70-80%).
– Epidermoïde (10%) (anciennement spinocellulaire).

Le mélanome est le moins fréquent, mais avec un risque métastatique qui n’existe pas ou peu dans les autres cancers cutanés. La moyenne d’âge de découverte est de 45 ans. On retrouve des mélanomes essentiellement sur les zones exposées au soleil = le torse pour les hommes, les jambes chez les femmes. Ces dernières années, on note une progression assez importante chez les 40-50 ans.

Le Docteur Amblard, chirurgienne digestive, explique que les personnes à la peau claire, aux yeux clairs (phototype 1 et 2) et/ou avec des antécédents familiaux sont plus sujettes à développer un mélanome. Le facteur principal de développement d’un mélanome est l’exposition solaire excessive, et notamment les coups de soleil avant l’âge de 15 ans.

Cliniquement, le mélanome se présente comme une lésion :

Asymétrique.
Bords irréguliers.
Couleur non homogène.
Diamètre (>6mm).
Evolutive : qui se modifie dans le temps ou un grain de beauté qui n’arrive pas à cicatriser.

Le patient après avoir consulté son médecin traitant sera dirigé vers un dermatologue qui analysera la lésion suspecte avec un dermatoscope. L’ensemble du corps sera analysé chez le dermatologue.

Dermatoscope

La prise en charge du mélanome

Comme le précise le Docteur Amblard, dépendra de l’indice de Breslow, qui mesure l’épaisseur tumorale maximale d’un mélanome. Cet indice est obtenu sur les résultats histologiques de la lésion retirée par le dermatologue ou le médecin généraliste.

–  Si le Breslow est inférieur à 0,8 mm, une reprise de la cicatrice d’exérèse avec une marge de 1cm sera réalisée par le chirurgien. Le risque ganglionnaire est nul, il n’est pas recherché de ganglion sentinelle.
–  Si le Breslow est supérieur à 0,8 mm, une reprise de cicatrice entre 1 et 2 cm sera réalisée avec recherche d’un ganglion sentinelle. Le patient sera orienté vers un onco-dermatologue pour discuter d’un traitement complémentaire par immunothérapie.

La fermeture de la plaie

Idéalement, le délai entre l’ablation du mélanome et la reprise de cicatrice pour marge doit être inférieur à 59 jours.
Afin d’obtenir un résultat esthétique satisfaisant avec une cicatrice linéaire, tout en respectant les marges oncologiques dictées par le Breslow, le chirurgien réalisera une cicatrice de reprise pour marge trois fois plus grande que la cicatrice d’exérèse de la lésion. La fermeture de la plaie dépendra de la surface de perte de substance et sa localisation (relief osseux, articulation…).

Deux types de fermeture sont envisagés :
Soit une fermeture directe : le plus souvent avec du fils résorbable. Le risque principal de la fermeture directe est la désunion de cicatrice qui nécessitera une cicatrisation dirigée classique.
Soit une greffe de peau totale : la prise de greffe se fait en sus-pubien et ne nécessite pas de soins particuliers, seulement un pansement sec. La zone greffée quant à elle est recouverte par un bourdonnet fixé par fils. Ce bourdonnet sera ôté lors de la consultation par le Docteur Amblard à J5 postopératoire. Ensuite, des pansements quotidiens seront nécessaires tout en maintenant une interface grasse sur la greffe. Les pansements doivent être précautionneux pour ne pas arracher la greffe. Dans les premiers jours, une nécrose ou un œdème peuvent apparaitre, ces derniers ne sont pas inquiétants et seulement à surveiller.

bourdonnet

Complications possibles de la greffe, suivi postopératoire et considérations spécifiques aux mélanomes situés aux membres inférieurs

Une des complications de la greffe peut être un hématome présent sous la greffe notamment chez les patients sous anticoagulants, ce qui nécessite une reprise au bloc opératoire. On peut aussi faire face à une désunion (glissement) de la greffe, la zone greffée sera alors exposée et nécessitera une cicatrisation dirigée.

Des soins infirmiers sont nécessaires sur une période de deux mois environ avec suivi imagé des plaies par l’application AvisPlaie®. Le Docteur Amblard reverra les patients à J5 en cas de greffe de peau, puis entre 3 et 4 semaines postopératoires. Dans le cas de pansements complexes, un suivi plus rapproché sera organisé.

Dans le cas d’un mélanome supérieur à 0,8 mm, l’exérèse d’un ganglion sentinelle sera réalisée. Il correspond au premier relai ganglionnaire de drainage de la zone où se situait le mélanome. La recherche et le retrait de ce ganglion se fait le même jour que la reprise de marge. Le ganglion ne sera malade que dans 19% des cas et nécessitera alors un traitement complémentaire le plus souvent une immunothérapie, administré par un onco-dermatologue. Une évolution métastatique est possible, ce qui justifie un suivi rapproché. Une surveillance tous les 3 à 4 mois sera nécessaire pendant 2 ans puis tous les 6 à 12 mois.

Le Docteur Amblard évoque le cas des mélanomes situés aux membres inférieurs. Un œdème du membre inférieur est fréquent de part la station debout et le sacrifice des veines superficielles pour les exérèses larges ou les curages ganglionnaires. Le patient devra donc porter des bandes de compression multi couches jusqu’à cicatrisation, maintenir une position surélevée de la jambe au repos. Une thromboprophylaxie sera prescrite par HBPM sous cutanée entre 21 jours et 1 mois selon les cas. L’usage de béquilles peut être nécessaire.
Dans certains cas des curages ganglionnaires (axillaire, inguinal ou iliaque) pourront être réalisés, souvent à l’issue d’un traitement par immunothérapie avec persistance de masses tumorales. Parfois le patient rentrera à domicile avec un drain, pour diminuer le risque de lymphocèle et hématome postopératoire. Ce drain pourra être retiré à domicile par l’infirmière, au plus tard à J7 postopératoire ou quand il donne moins de 30cc par jour.

La prise en charge du mélanome est pluridisciplinaire avec nécessité d’une expertise en plaie et cicatrisation. Les localisations sont variables et des exérèses étendues sur des surfaces de tensions et articulations peuvent rendre les soins complexes et prolongés. Les sur-complications doivent à tout prix être éviter : phlébite, surinfection de plaie, hématome sous une greffe cutanée.

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