CICATRISATION PÉDIATRIQUE
RENCONTRE AVEC LE DOCTEUR ISABELLE JAMES

Isabelle JAMES est chirurgien pédiatre, spécialisée en chirurgie pédiatrique réparatrice. Elle travaille au sein de la clinique du Val d’Ouest à Écully près de Lyon.

Pourquoi la chirurgie pédiatrique ? : « J’ai toujours voulu soigner des enfants, j’ai quelque chose avec l’enfant, la réparation de l’enfant et le soin à l’enfant ». « Quand j’ai commencé mes études en 1980, la plastie de l’enfant était assez méconnue, et pratiquée par des chirurgiens qui n’étaient pas forcément pédiatres : maxillofaciaux, plasticien adultes, chirurgiens généraux… La spécialité de chirurgie réparatrice de l’enfant n’existait pas. J’ai eu la chance de succéder au Dr Albert CAMPO-PAYSAA, chirurgien pédiatre déjà spécialisé en chirurgie réparatrice de l’enfant. Mais ce n’était pas encore une spécialité étiquetée ».

Aujourd’hui, la chirurgie pédiatrique est une activité à part entière. Il existe une Section Française de Chirurgie Plastique Pédiatrique (SFCPP :  https://chirurgie-plastique-pediatrique.fr/) dont le docteur Isabelle JAMES est la secrétaire générale. Cette section dépend de la Société Française de Chirurgie Pédiatrique (SFCP : https://www.chirpediatric.fr/).

La chirurgie réparatrice de l’enfant c’est 80% de malformations congénitales concernant l’enveloppe corporelle (face, mains, membres…), avec des pertes de substances en particulier pour les naevus géants, angiomes et aussi des cicatrices à gérer.

Les 20% restants sont des pathologies traumatiques type brûlures, blessures ou encore des chirurgies carcinologiques. Pour ces prises en charge, une perte de substance sera à gérer car des tissus ont été enlevés.

Pour le docteur Isabelle JAMES, la cicatrisation secondaire est très importante chez l’enfant. Elle demande aux parents, une fois la cicatrisation primaire terminée, de masser la cicatrice à l’aide de gel siliconé. Mais aussi de la « comprimer » à l’aide de pansement siliconé et de la protéger du soleil, jusqu’à ce que la cicatrice soit blanche et lisse. Il faut compter environ 1 an entre l’opération et cet aspect stabilisé. Il s’agit « d’un vrai travail de physiothérapie de la peau, dans les suites à moyen terme ».

La cicatrisation de l’enfant se surveille sur plusieurs mois, pour prévenir le risque de chéloïdes (1). Le docteur Isabelle JAMES explique : « l’enfant fabrique beaucoup plus de chéloïdes ou cicatrices hypertrophiques que l’adulte. Il a des facteurs de croissance et la structure de sa peau en termes de collagène et fibroblastes, n’est pas tout à fait la même que celle de l’adulte. La réaction inflammatoire est aussi plus importante et entraîne beaucoup plus d’hypertrophie que chez l’adulte. »

En résumé, la cicatrisation chez l’enfant c’est : plus d’inflammation, plus de bourgeonnement, plus d’hypertrophie. « Une cicatrisation primaire plus rapide, ce qui peut nous faciliter la tâche, mais attention du coup aux troubles de croissance et aux rétractations secondaires. » précise le docteur Isabelle JAMES.

L’enfant grandit, ce qui fait, par exemple, qu’une plaie autour d’une zone articulaire, laissée en cicatrisation dirigée sur 2 ou 3 semaines, va se rétracter et entrainer un trouble de la mobilité articulaire ou un trouble de croissance à cet endroit-là. Il en résulte un risque de brides cicatricielles et la nécessité d’une prise en charge secondaire par la suite.

Le docteur Isabelle JAMES précise : « on est tous d’accord en pédiatrie, au-delà de 3 semaines, il y a de telles désorganisations tissulaires, que si on laisse une cicatrisation dirigée chez l’enfant, il y aura des troubles de croissance ». « Pour tout ce qui n’est pas cicatrisé à proximité d’une zone de croissance ou articulaire, à fortiori sur la face, chez l’enfant au-delà de 3 semaines, il faut couvrir par un lambeau, une greffe… ».

Pour la prise en charge d’une plaie traumatique, le docteur Isabelle JAMES, préconise de repositionner tous les tissus pouvant l’être, avec cicatrisation dirigée. Ceci pendant 2 à 3 semaines pour « voir ce qui est vivant ou pas, on appelle ceci : la délimitation. On garde tout ce qu’on peut, d’autant plus que l’enfant a une grosse vascularisation dermique, donc il faut lui faire confiance ». Puis si nécessaire, les médecins seront amenés à faire une détersion des tissus nécrotiques et une reconstruction par greffe ou lambeau. C’est un aspect qu’il faut préciser aux parents dès le début de la prise en charge, pour qu’ils n’aient pas un sentiment d’échec si une détersion/couverture secondaire est proposée.

 Les infirmiers libéraux jouent donc un rôle essentiel dans la prise en charge des plaies chez l’enfant. Si une plaie est encore ouverte après 3 semaines de prise en charge, ils doivent alerter, et orienter l’enfant pour une prise en charge de recouvrement. 

Pour rappel, depuis le 1er janvier 2020 une majoration de 3,15 euros (MIE) a été mise en place pour chaque séance de soins concernant les enfants de moins de 7 ans. Cumulable avec la MAU (Majoration Acte Unique) et la MCI (Majoration de Coordination Infirmière).

En ce qui concerne les plaies post-opératoires, le docteur Isabelle JAMES, revoit les enfants pour le 1er pansement lors d’une consultation de suivi, puis passe le relais aux infirmiers libéraux. Avec comme 1ère consigne de « doucher les plaies et n’utiliser aucun antiseptique, en l’absence d’infection avérée ». 

Elle insiste sur le fait de prendre son temps avec l’enfant, de le mettre en confiance en utilisant des termes positifs, le rassurer et surtout le distraire, « si on distrait l’enfant, on a fait la moitié du travail ». Les mots des parents inquiets ont un rôle majeur dans le comportement de l’enfant lors du soin. Si on lui dit « n’ai pas peur, je ne vais pas te laisser, tu n’auras pas mal », l’enfant entend « peur, laisser, mal ». Préférer « on va t’installer confortablement avec maman ou papa, tu vas pouvoir jouer ». En revanche, le docteur Isabelle JAMES trouve important de prévenir l’enfant si le soin peut être douloureux. Il pourra ainsi se montrer courageux et sera en confiance, ce qui ne sera pas le cas si on lui ment en disant qu’il n’aura pas mal.

2 associations peuvent aider les parents démunis face à la prise en charge des soins de leur enfant : https://pediadol.org/ et https://www.sparadrap.org/.

Le docteur Isabelle JAMES termine l’entretien en insistant sur le fait que « la chirurgie pédiatrique est très pluridisciplinaire et un vrai travail d’équipe, sur du long terme. Par exemple pour la prise en charge des fentes labio palatines, il n’y a pas que le chirurgien seul, il y a l’orthodontiste, l’orthophoniste, l’ORL…c’est une prise en charge globale. Je travaille aussi en collaboration avec une plasticienne et des chirurgiens adultes car les enfants vont devenir des adultes et le suivi des prises en charge est à minima jusqu’à 20 ans. Certaines opérations ne peuvent se faire qu’à l’âge adulte, notamment au visage, quand la croissance est terminée ».

  1. Une chéloïde, ou cicatrice chéloïdienne, est une forme de cicatrice résultant d’une excroissance du derme au niveau d’une blessure guérie. (https://fr.wikipedia.org/) 

Lors de la matinée consultation à laquelle j’ai participé, j’ai pu assister à 6 soins différents pour des enfants de 10 mois à 11 ans.

Parmi ces soins, 4 remplissages de prothèses d’expansion tissulaire mises sous la peau afin d’augmenter la surface cutanée et de permettre ainsi le recouvrement et la cicatrisation d’une perte de substance des tissus cutanés. 

Cette technique, calquée sur l’expansion cutanée pendant la grossesse, est utilisée depuis 1957. Elle a été perfectionnée en 1976 avec la mise au point de la première prothèse d’expansion moderne avec valve de remplissage et raccord sous-cutané. 

Les enfants viennent en consultation 1 fois/semaine pour gonfler la prothèse d’expansion cutanée avec du sérum physiologique, jusqu’à obtenir l’effet souhaité. Généralement il faut compter 4 mois entre la pose de la prothèse et l’opération pour recouvrement avec la peau obtenue. Si ce temps lent et progressif de gonflage est respecté, l’effet « élastique » est minime et il n’y aura pas de rétractation après le retrait du « ballon ».

Deux enfants sont venus à J21, pour visite de contrôle et ablation du surjet à la suite d’une exérèse d’angiome sur le ventre pour l’un et de naevus pour l’autre. C’est lors de cette visite que le docteur Isabelle JAMES donne ses recommandations pour la poursuite de la prise en charge de la cicatrice : massage, compression et protection.

La dernière consultation concernait la suite d’une opération pour une syndactylie (2), avec réfection du pansement avant prise en charge par l’infirmier libéral à domicile. 

2. Syndactylie : Du grec sun : « avec », et dactyl : « doigt », la syndactylie est une malformation congénitale caractérisée par l’accolement et une fusion plus ou moins complète de deux ou plusieurs doigts ou orteils entre eux. La fusion peut se situer au niveau de la peau ou simultanément des os et de la peau.

Je tiens à remercier le docteur Isabelle JAMES pour son accueil et sa disponibilité. Merci aussi à Delphine, infirmière en charge de la consultation qui m’a fait découvrir cette technique d’expansion cutanée.

Géraldine SUCHET